Jérôme FOURNIER (France U20) : « Nous sommes à notre place »
Jérôme FOURNIER a fait le bilan
Quelques jours après la fin de l’Euro U20, Jérôme FOURNIER est cette fois revenu avec nous sur les matches à élimination directe et les matches de classement disputés par les Bleuettes, dont il est le sélectionneur.
Comment ton équipe, ton staff et toi avez vécu la courte défaite face à l’Espagne en quart ?
Cette défaite contre les Espagnoles a été vécue à la fois tristement dès le coup de sifflet final puis l’intelligence émotionnelle a pris le relais afin de mettre du sens dans cette expérience particulière. Du sens afin de permettre à toutes ces jeunes joueuses d’accélérer leur processus de maturité. Autrement dit, après les larmes, les mots du staff et des joueuses ont permis de comprendre ce qu’il venait de se passer afin de rebondir rapidement et de préparer la suite contre la Suède.
Est-ce que le fait que finalement les Espagnoles aient encore raflé le titre vous a permis de mieux digérer cette défaite ?
La victoire finale des Espagnoles est méritée. Elles ont fait preuve de maîtrise durant l’ensemble de la compétition. Nous avons eu l’opportunité de cohabiter dans le même hôtel durant toute la compétition. Nous étions les deux seules équipes dans cet hôtel à Sopron. L’équipe de France était au premier étage, les Espagnoles au second. Quant à moi j’étais… au second juste en face de la chambre d’Iris MBULITO (future MVP de la compétition). J’ai pu constater la maturité avec laquelle les jeunes Espagnoles vivaient leur compétition. La défaite a été digérée très rapidement dans la mesure où le match suivant contre la Suède devait animer tous les esprits. De plus, cette défaite cristallisait l’ensemble des difficultés que nous avons rencontrées à plusieurs reprises, à trouver du leadership dans les moments déterminants des rencontres.
Après l’élimination en quart, est-ce que tu as senti que tes joueuses étaient un peu plus libérées avant d’affronter la Suède ?
Libérées n’est pas précisément le mot que j’emploierais. La Suède n’a pas su faire sortir les filles de leur zone de confort comme ont su le faire les Italiennes, les Allemandes, les Espagnoles ou encore les Hongroises. Des lors, installée dans sa zone, mon équipe a su exprimer toutes ses qualités. Toutefois, le propre des équipes qui performent sereinement et avec une grande maîtrise dans une compétition comme celle-ci sont celles qui parviennent au mieux à augmenter leur zone de confort face à l’adversité et au pire à en maintenir l’expression. Mon équipe a manqué cruellement de leadership afin de ne pas laisser son destin dans les mains de l’adversaire à la fin de la rencontre contre les Ibériques. C’est le cruel destin de cette génération qui, deux ans plus tôt avec dans ses rangs Alexia CHARTEREAU et Loreen KERBOEUF, avait également en huitième laissé la Lituanie décider du sort du match (celle-ci manquera le tir à 3 points de la gagne et permettra aux Bleuettes de conquérir un peu plus tard le titre européen). Destin cruel car les Espagnoles, contrairement aux Lituaniennes, ne sont pas passées à côté de l’opportunité que nous leur avons malheureusement proposée.
Qu’est-ce qui vous a manqué pour battre la Hongrie ?
Le match de la Hongrie est à l’image de notre quart de finale. Maîtrisée en début de rencontre, en grande difficulté dans les temps faibles de la rencontre et en très grande difficulté lors du momentum final.
Au final, quel bilan fais-tu de cet Euro U20 2018 ?
Le bilan peut se faire à plusieurs niveaux : Sur le plan sportif, je dirai que notre équipe avait un potentiel supérieur à cette sixième place. Toutefois, compte tenu des difficultés rencontrées tout au long de la compétition, je dirai que nous sommes à notre place. Pour espérer davantage dans cette catégorie, les équipes doivent s’appuyer dans leurs effectifs sur l’ensemble des leaders de la catégorie. Car il s’agit bien de réelles difficultés à trouver du leadership dont notre équipe a souffert durant cet Euro. A titre d’exemple, la Russie, 3ème en U20 en 2017, championne du monde en titre en U19 en 2017 également, finit en l’absence de ses 2 leaders charismatiques que sont Maria VADEEVA et Raisa MUSINA à la 13ème place et par là se sauve in extremis de la relégation en division B. Pour espérer davantage dans cette catégorie, les équipes doivent s’appuyer sur des cadres qui ont joué durant la saison. Or 3 de nos cadres évoluant en NCAA cette saison n’ont soit pas joué car « redshirt » soit très peu joué car « freshman ». Dès lors, cela leur a été très difficile de répondre aux attentes de l’équipe notamment durant les rencontres capitales de la compétition mais surtout durant les moments clés de chacune de ces rencontres. Toujours sur le plan technique, cet Euro a permis de constater la nécessité de contrôler son attaque et de se contrôler en défense. Contrôler son attaque en perdant le moins de ballons possible. Les Espagnoles n’ont rendu que 12,4 ballons à l’adversaire par match (14,4 pour la France). Se contrôler en défense en limitant le nombre de fautes concédées à l’adversaire Les Espagnoles n’ont commis que 13,9 fautes par match (19,4 pour la France).
Deux indicateurs autour de la maîtrise et du contrôle qui incarnent totalement l’expression d’une plus grande maturité dans le jeu. Cette dernière étant étroitement liée à l’expression d’un plus grand leadership. Je tenais également dans ce bilan à saluer le formidable état d’esprit de cette équipe et à les remercier pour la qualité du travail réalisé. Mention spéciale à Tima POUYE qui a fait preuve de beaucoup de caractère durant cette compétition. Je souhaite féliciter l’ensemble du staff pour le remarquable travail réalisé par toutes et tous durant cette compétition. Merci Loeti, Caro, Virginie, Anne, Jean Paul, Titi, Virgile et John pour votre investissement dans ce projet (je souhaite associer également à ces remerciements Romain et Théo de la FFBB qui font un remarquable travail de l’ombre). Je profite de l’occasion pour remercier tous les acteurs qui ont accompagné ou qui vont accompagner ces jeunes femmes dans leur trajectoire de basketteuse et de femmes. Enfin je remercie la FFBB, son Président Jean-Pierre SIUTAT, son DTN Alain CONTENSOUX et son Directeur de la Performance Jacques COMMERES pour les moyens mis à disposition et l’accompagnement sans faille des U20 Filles dans leur préparation et durant toute la compétition. Je terminerai par deux citations La première très à la mode de Nelson MANDELA : « Soit je gagne, soit j’apprends» La seconde moins populaire de Winston CHURCHILL : « Je suis toujours prêt à apprendre, bien que je n’aime pas toujours qu’on me donne des leçons. » Bon CM aux U17 filles et bons CE aux U16 et U18 filles et garçons !
Merci beaucoup Jérôme pour ta disponibilité et ce témoignage riche d’enseignements !